L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), et notamment ses articles 4, 7, 8, 18 et 23 ;
Vu le code des postes et télécommunications, et notamment le II de son article L. 34-8, le 7o de son article L. 36-7 et ses articles D. 99-11 à D. 99-22 ;
Vu l'arrêté du 25 mars 1991 portant autorisation d'extension, dans la bande des 900 MHz, d'un réseau de radiotéléphonie publique pour l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F 1 ;
Vu l'arrêté du 25 mars 1991 portant autorisation d'extension, dans la bande des 900 MHz, d'un réseau de radiotéléphonie publique pour l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F 2 ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu l'avis no 98-A-19 du Conseil de la concurrence en date du 25 novembre 1998 ;
Après en avoir délibéré le 27 novembre 1998,
1. Sur le cadre juridique
L'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, issu de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, prévoit que tout exploitant de réseau ouvert au public fait droit, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes raisonnables d'interconnexion des autres opérateurs de réseaux ouverts au public et des fournisseurs de service téléphonique au public.
En outre, les opérateurs de réseaux ouverts au public inscrits sur la liste prévue par le 7o de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications sont soumis à des obligations particulières : ils doivent publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion, préalablement approuvée par l'Autorité de régulation des télécommunications ; leurs tarifs d'interconnexion rémunèrent l'usage effectif du réseau et reflètent les coûts correspondants. Les principes s'appliquant à ces opérateurs, et notamment les prestations qui doivent au minimum figurer au catalogue décrivant leur offre technique et tarifaire d'interconnexion, ainsi que les principes comptables et tarifaires servant à la détermination de leurs tarifs d'interconnexion, sont précisés par les articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications, issus du décret du 3 mars 1997 relatif à l'interconnexion. Ces opérateurs doivent en outre répondre aux demandes justifiées d'accès à leur réseau, y compris aux demandes d'accès spécial correspondant à des conditions non publiées.
Aux termes du 7o de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, l'Autorité « établit chaque année, après avis du Conseil de la concurrence (...), la liste des opérateurs concernés par les dispositions du II de l'article L. 34-8 et considérés comme exerçant une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications concerné par ces mêmes dispositions. Est présumé exercer une telle influence tout opérateur qui détient une part supérieure à 25 % d'un tel marché. L'Autorité de régulation des télécommunications tient aussi compte du chiffre d'affaires de l'opérateur par rapport à la taille du marché, de son contrôle des moyens d'accès à l'utilisateur final, de son accès aux ressources financières et de son expérience dans la fourniture de produits et de services sur le marché ».
La directive 97/33 susvisée, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 26 juillet 1997, dispose : « Un organisme est réputé être puissant sur le marché lorsqu'il détient une part supérieure à 25 % d'un marché donné des télécommunications dans une zone géographique d'un Etat membre au sein duquel il est autorisé à exercer ses activités. » Elle identifie trois catégories d'activités : les réseaux et services de téléphonie publique fixe, les lignes louées, et les réseaux et services de téléphonie publique mobile.
Aux termes de l'article 4.2 de la directive, les opérateurs puissants sur leur marché de détail, qu'il s'agisse d'opérateurs de téléphonie fixe, de liaisons louées ou de téléphonie mobile, doivent répondre « à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau ».
Aux termes de l'article 7.2 de la directive, les opérateurs de téléphonie fixe ou de lignes louées puissants sur leur marché de détail doivent assurer l'orientation des tarifs d'interconnexion vers les coûts. En ce qui concerne les opérateurs de téléphonie mobile, seuls ceux qui sont puissants sur le « marché national de l'interconnexion » sont tenus à l'obligation d'orientation des tarifs d'interconnexion vers les coûts.
Aux termes des articles 7.3 à 7.6 et 8.2, les opérateurs de réseaux et services de téléphonie fixe ou de lignes louées puissants sur leur marché de détail doivent publier une offre d'interconnexion de référence, c'est-à-dire un catalogue d'interconnexion, et respecter des obligations renforcées en matière de dégroupage des offres d'interconnexion, de système de comptabilisation, de séparation des redevances de service universel et de séparation comptable ; les opérateurs mobiles ne sont pas assujettis à ces obligations.
Enfin, aux termes de l'article 23.1 de cette directive, « les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1997 ».
Au vu de ces textes, l'Autorité s'est attachée à appliquer les dispositions de la loi française en veillant à ce que cette application soit compatible avec les dispositions de la directive communautaire.
2. Sur l'analyse de l'Autorité
2.1. Les différentes catégories d'opérateurs
L'objet de la présente décision est de déterminer la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché, c'est-à-dire la liste des opérateurs auxquels s'appliqueront, en 1999, des obligations renforcées en matière d'interconnexion.
Dans son analyse réalisée en 1997 pour la désignation des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché pour 1998, l'Autorité avait estimé que l'examen du seul marché national de l'interconnexion était suffisant, en l'état du développement de la concurrence, pour déterminer la position des acteurs sur le marché.
Dans la présente décision, l'Autorité a complété son analyse afin de tenir compte de l'évolution en 1998 des marchés des services de télécommunications, notamment du marché de la téléphonie mobile, ainsi que des distinctions effectuées par la directive no 97/33 susvisée entre différentes catégories d'opérateurs, auxquelles sont imposées des obligations différenciées. Ces catégories d'opérateurs sont les suivantes :
- les opérateurs fixes exerçant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie fixe ;
- les opérateurs fixes exerçant une influence significative sur le marché de détail des lignes louées ;
- les opérateurs mobiles exerçant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie mobile ;
- et les opérateurs mobiles exerçant une influence significative sur le marché national de l'interconnexion.
2.2. La méthodologie retenue par l'Autorité
Afin d'être en mesure de déterminer quels opérateurs répondent aux critères définissant un opérateur exerçant une influence significative, l'Autorité a adressé un questionnaire aux opérateurs détenteurs d'une licence attribuée au titre des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications et dont l'activité prévisionnelle pour 1999 dépassait un certain seuil, ainsi qu'aux opérateurs mobiles.
Ce questionnaire a ainsi été adressé à 9 Télécom, Aéroports de Paris, Belgacom France, Bouygues Télécom, Cegetel, Colt, France Télécom, France Télécom Mobiles, Kapt'Aquitaine, Omnicom, SFR, Siris, Télécom Développement et Worldcom.
Ce questionnaire a porté sur la mesure de l'activité des opérateurs en ce qui concerne le service téléphonique fixe, les lignes louées, la téléphonie mobile et l'interconnexion, en valeur (chiffre d'affaires) et en volume (nombre d'abonnés et nombre de minutes commutées), sauf en ce qui concerne l'activité de lignes louées pour laquelle la mesure en valeur est suffisante pour apprécier la position de l'opérateur sur cette activité.
A ce stade, et compte tenu de l'état du développement de la concurrence à ce jour, il n'a pas paru nécessaire à l'Autorité de procéder à une segmentation géographique de ces activités. Le Conseil de la concurrence, dans son avis susvisé, estime que « l'état de la concurrence ne justifie toujours pas que soient distingués des marchés géographiques ».
L'Autorité a principalement fondé son analyse sur les données déclarées par les opérateurs dans leurs réponses au questionnaire, données constatées pour 1997 et prévisionnelles pour 1998.
3. Sur les résultats de l'enquête réalisée
3.1. Les marchés de détail de la téléphonie publique fixe
et des lignes louées
En ce qui concerne le marché de détail de la téléphonie fixe, la mesure du nombre d'abonnés, du nombre de minutes de trafic au départ des réseaux et du chiffre d'affaires pour les années 1997 et 1998 conduit à constater que la part de marché de France Télécom est largement supérieure à 90 %.
Concernant le marché de détail des lignes louées, la mesure en valeur conduit à constater une part de marché également très supérieure à 90 % pour France Télécom.
L'Autorité en conclut que France Télécom est le seul opérateur exerçant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie fixe et sur celui des lignes louées.
En application de l'article L. 34-8-II du code des postes et télécommunications et des articles 4.2, 7.2 à 7.6 et 8.2 de la directive 97/33 susvisée, France Télécom doit donc notamment assurer l'orientation de ses tarifs d'interconnexion vers ses coûts, publier un catalogue d'interconnexion préalablement approuvé par l'Autorité, répondre aux demandes justifiées d'accès spécial, et respecter des obligations renforcées en matière de dégroupage des offres d'interconnexion, de système de comptabilisation, de séparation des redevances de service universel et de séparation comptable.
3.2. Le marché de détail de la téléphonie mobile
En ce qui concerne le marché de détail de la téléphonie mobile, la mesure du nombre d'abonnés montre que, pour les années 1997 et 1998, France Télécom Mobiles détient une part de marché supérieure à 45 % et que SFR détient une part de marché supérieure à 35 %.
La mesure des nombres de minutes de trafic aux départs des réseaux et des chiffres d'affaires correspondants conduit à constater que ces deux opérateurs détiennent chacun, en 1997 et en 1998, une part de marché supérieure à 40 %.
L'Autorité note que le Conseil de la concurrence est d'avis que la part de marché de chacun de ces deux opérateurs sur le marché de détail de la téléphonie mobile « leur donne une influence significative sur ce marché ».
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner la position de ces opérateurs au regard des critères complémentaires prévus au 7o de l'article L. 36-7 et rappelés au paragraphe 1 ci-dessus.
Elle conclut que France Télécom Mobiles et SFR exercent tous deux une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie mobile.
Ainsi, il résulte des dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33 susvisée que France Télécom Mobiles et SFR doivent donc répondre aux « demandes raisonnables de connexion au réseau ».
3.3. Le marché national de l'interconnexion
Une mesure pertinente du marché national de l'interconnexion porte sur la terminaison des appels, c'est-à-dire sur le trafic se terminant sur les réseaux des opérateurs : l'Autorité a donc mesuré la part de chaque opérateur sur ce marché sur la base du trafic se terminant sur son réseau, qu'il s'agisse des minutes issues de son propre réseau (interconnexion « interne ») ou de celles issues de réseaux tiers.
Cette mesure a été effectuée en volume (nombre de minutes) et en valeur (chiffre d'affaires).
En ce qui concerne la mesure en valeur de ce trafic, trois points particuliers sont à noter :
- le trafic d'interconnexion interne pour les opérateurs de réseaux fixes est valorisé au tarif du service d'interconnexion le moins coûteux de chaque opérateur - par exemple dans le cas de France Télécom, au prix du service d'interconnexion dit « intra-CAA » du catalogue d'interconnexion de France Télécom pour 1998. Il s'agit là d'une convention que l'Autorité se réserve de préciser ou d'adapter pour les années ultérieures ;
- l'interconnexion fixe vers mobiles est valorisée par son chiffre d'affaires net, c'est-à-dire le prix de détail des appels fixe vers mobiles, duquel ont été déduits les reversements à France Télécom correspondant, d'une part, à l'utilisation de son réseau et, d'autre part, à la facturation pour compte de tiers ;
- en ce qui concerne le trafic d'interconnexion échangé entre deux opérateurs mobiles, l'Autorité a appliqué, conformément à l'avis du Conseil de la concurrence, une méthode consistant à valoriser ce trafic sur la base du tarif du service d'interconnexion que les opérateurs mobiles se fournissent - ou se fourniront prochainement - les uns aux autres. Le trafic interne à un opérateur mobile a été valorisé sur la base du même tarif.
En volume, on constate que France Télécom, pour la téléphonie fixe, détient, pour les années 1997 et 1998, une part du marché national de l'interconnexion supérieure à 90 %.
En valeur, la part détenue par France Télécom, pour la téléphonie fixe, était, en 1997, supérieure à 65 %, et reste, en 1998, supérieure à 45 %. Cette différence importante entre la mesure en volume et la mesure en valeur résulte du fait que le prix moyen d'interconnexion de France Télécom fixe est très inférieur au prix moyen d'interconnexion des opérateurs mobiles.
En ce qui concerne France Télécom Mobiles et SFR, la part de chacune sur le marché national de l'interconnexion reste, en 1997 et 1998, strictement inférieure à 25 % en valeur.
Le Conseil de la concurrence, dans son avis, estime que sous la réserve du mode de valorisation du trafic d'interconnexion entre opérateurs mobiles, réserve que l'Autorité a prise en compte comme indiqué au troisième tiret ci-dessus, « France Télécom, en tant qu'exploitant de réseaux et de services de téléphonie fixe, reste à ce jour le seul opérateur exerçant une influence significative, au sens de l'article L. 36-7 (7o) du code des postes et télécommunications, sur le marché de l'interconnexion ».
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère qu'il est inutile d'examiner la position des opérateurs au regard des critères complémentaires prévus au 7o de l'article L. 36-7 rappelés au point 1 ci-dessus.
L'Autorité en conclut que seule France Télécom, pour la téléphonie fixe, exerce à ce stade une influence significative sur le marché national de l'interconnexion. Cela n'emporte pas, pour France Télécom, de conséquences supplémentaires par rapport à celles découlant de son influence significative sur les marchés de détail de la téléphonie fixe et des lignes louées. En ce qui concerne France Télécom Mobiles et SFR, ces opérateurs ne sont donc pas soumis, pour 1999, à l'orientation des tarifs d'interconnexion vers les coûts.
L'Autorité remarque que, si la croissance du marché de la téléphonie mobile, et donc du trafic se terminant sur les réseaux mobiles, reste soutenue au cours de l'année 1999, et sur la base des tarifs actuellement facturés par ces opérateurs pour la terminaison de ce trafic, France Télécom Mobiles et SFR pourraient, à la fin de l'année 1999, détenir chacun une part du marché national de l'interconnexion supérieure à 25 % en valeur : ce point sera particulièrement examiné lors de la détermination pour l'année 2000 des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché national de l'interconnexion,
Décide :
Art. 1er. - Pour l'année 1999, figure sur la liste établie en application du 7o de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications :
France Télécom au titre de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé.
Art. 2. - Le président de l'Autorité notifiera à France Télécom et SFR la présente décision, qui sera notifiée à la Commission européenne et publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 27 novembre 1998.